Etudes sur l’évaporation d’un plan d’eau

Par Rémy FRUCHARD, Ingénieur Divisionnaire des Travaux de la Météorologie, Chef du Centre Météo-France de Poitiers

Cette note fait suite à plusieurs affirmations sans aucun fondement sur l’évaporation des retenues d’eau liées à l’agriculture (Bassines) en projet de constructions dans le sud Poitou. Ces affirmations sont du type, « l’évaporation d’une retenue d’eau à l’air libre est largement compensée par les précipitations reçues sur le plan d’eau »

Parlons tout d’abord des normes climatiques sur notre région « Poitou-Charentes ».

Les précipitations sont comprises entre 1100 mm/an sur les hauteurs des gâtines Deux-Sévriennes et 600 mm/an sur les plaines du Thouarsais. Mais majoritairement comprises entre 600 mm/an et 900 mm/an en Poitou-Charentes.

Normales_1981-2010_PoitouCharentes_RR

Carte des précipitations normales sur le Poitou/Charentes

L’évapotranspiration moyenne à Poitiers-Biard est de 810,9 mm/an pour une pluviométrie normale de 685,6 mm/an, sur NIORT l’évapotranspiration moyenne est de 854,7 mm/an pour une pluviométrie de 867,2 mm/an (Normales climatiques de 1981 à 2010).

Différentes études nous montre une évolution défavorable de l’évaporation des plans d’eau et de l’évapotranspiration des végétaux. (L’ÉVAPORATION ET LE BILAN HYDROLOGIQUE DES ÉTANGS PELLICULAIRES. Du EA1210 CEDETE, Université d’Orléans de Messieurs AL DOMANY M. , TOUCHART L. , BARTOUT P. en 2015) et une étude sur l’Aveyron du Laboratoire d’Etudes sur le Développement Durable de 2010

« L’évapotranspiration potentielle (ETP) et la réserve en eau des sols (R-RU100) évoluent défavorablement pour les cultures, même si le franchissement des limites semble encore éloigné. Il convient néanmoins de noter qu’en douze années l’ajustement mathématique montre une perte de 10% de la R-RU100, et qu’en été la réserve en eau des sols est inférieure à 20% de la saturation. Le suivi de l’évaporation des plans d‘eau nous amène des observations similaires. La tendance est nettement orientée à la hausse avec plus de 1000 mm/an, dépassant la pluviométrie moyenne annuelle qui est comprise dans le Poitou-Charentes entre 900 et 600 mm/an sauf sur les Gâtines Deux-Sévriennes, voisine de 1000 à 1100 mm/an,

L’évapotranspiration potentielle (ETP) est liée aux variations de la température moyenne, et comme elle est en progression il est logique que l’ETP le soit également. Entre 2020 et 2040 le modèle donne une augmentation de l’ETP d’au moins 60 mm soit + 6%. Il convient de noter l’écart croissant entre l’évolution de l’ETP et celle de la pluviométrie.

Taux d’évaporation calculés par la formule de Penman : Dans certaines conditions, comme par exemple en cas de vents forts et/ou de forte chaleur, la formule de Penman peut donner des taux d’évaporation trop faibles, il convient alors de multiplier la valeur par 1,2 ou 1,3 afin d’obtenir une valeur réaliste du taux d’évaporation du plan d’eau.

L’étude réalisée en 2013 et 2014 sur les plans d’eau de la Brenne dans le département de l’Indre, notamment sur la réserve naturelle de Chérine. (Réf : L’ÉVAPORATION ET LE BILAN HYDROLOGIQUE DES ÉTANGS PELLICULAIRES. Du EA1210 CEDETE, Université d’Orléans de Messieurs AL DOMANY M. , TOUCHART L. , BARTOUT P. en 2015) démontre que les formules de calcul de l’ETP permettent de calculer assez précisément l’évaporation d’un plan d’eau tout en sous-estimant l’évaporation réelle avec une classement des différentes formules par rapport à une mesure de référence représentée par l’évaporation d’un bac transparent émergé.

« La comparaison entre l’évaporation mesurée par le bac flottant (955.4 mm) et les résultats obtenus par les différentes méthodes mathématiques utilisées dans cette étude, montre que la méthode de Pristley-Taylor (947.9 mm) est la meilleure méthode. La méthode de Penman-Monteith modifiée vient en deuxième place avec (867.2 mm) et les méthodes de Penman 1948 (865.9 mm) et de DeBruin-Kejman (861.6 mm) viennent en troisième et quatrième places respectivement. »

ETP-Poitiers-depuis-1949

L’évapotranspiration est certainement le paramètre qui est le plus significatif de l’évolution du climat. Depuis le début des années 1990, l’ETP est en constante augmentation. En 2018, le cumul de l’ETP Penman a été de 943,5mm soit 130 mm au-dessus de la moyenne.

NB : Une évapotranspiration potentielle (ETP) est la quantité maximale d’eau susceptible d’être évaporée sous un climat donné par un couvert végétal continu bien alimenté en eau. Elle comprend donc l’évaporation du sol/substrat et la transpiration de la végétation d’une région donnée pendant le temps considéré.